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 FAILURE, mirta.

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    Desislav Hristova
Desislav Hristova

non serviam.

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ATROCITY EXHIBITION
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FAILURE, mirta. _
MessageSujet: FAILURE, mirta.   FAILURE, mirta. EmptyJeu 30 Aoû - 23:01

Parfois, certaines choses nous tombent dessus, comme ça, sans prévenir. L'admission d'un fait en fait partie. Réaliser qu'on ne s'en sortira pas, et que ça ne sert pas à grand chose d'espérer, prévoir, faire des plans sur la commette. Ce serait perdre du temps, et parfois de l'argent. Car on finit forcément par réaliser ce qu'on a au dessus de la tête, surtout dans un monde précis. Ce monde. Comme lorsque l'on freine trop brutalement : claque émotionnelle que l'on se prend de plein fouet. L'admission. S'ajoute parfois à cela l'impression un peu sordide d'être dans un film noir du siècle dernier, et l'on se demande quelle musique pourrait être en fond, pour nous faire devenir le héros ou l'héroïne de notre propre histoire. L'admission, la réalisation noircit par moment l'âme, si la claque est trop dure, trop forte. Et c'est cette partie de l'admission que Desislav se prend en pleine figure.

Ses mains sont noirs. Ses bras, ses jambes, tout est noir, jusqu'à ses cheveux, avant blonds platine. La teinture continue de couler sur ses doigts, son front, marquant sa peau sans qu'il ne réagisse. Comme s'il était absent, loin, trop occupé à chasser les démons qui l'envahissent peu à peu depuis plusieurs jours, heures. L'évier est noir. Le bord de la baignoire est noir. Le rideau de douche est noir. Le carrelage initialement verdâtre aussi, est noir. Tout dans cette salle de bains a prit la nouvelle couleur de ses cheveux, de son âme. Des idées qui stagnent dans sa tête et qu'il n'arrive pas à chasser, malgré tous ses efforts déployés. Toutes ces voix qui lui crient qu'il n'est rien, ne vaut rien, n'est que la merde de la mafia, que le paillasson sur lesquels ils s'essuient les pieds. Un raté, un échec, une inutilité. Toutes ces voix qui lui gueulent aux oreilles qu'il ne mérite rien d'autre que d'être plongé dans la merde du monde, tête la première. Ces voix qui lui crient qu'après tout, la meilleur chose à faire serait de finir au fin fond de la Mystic River, et qui le crient si fort qu'elles s'emparent de ses idées. Elles lui ont criés que ses cheveux étaient ridicules, que sa vie était de la merde, qu'après tout Mirta ne doit être avec lui que par pitié. Voilà, de la pitié. C'est ce qu'elle doit ressentir à son égard, d'après les voix. Et elles sont si puissantes qu'elles arrivent à le convaincre qu'elles disent vraies. Ses genoux repliés contre sa poitrine, sa tête entre ses jambes, il gémit. Sans savoir réellement pourquoi, il gémit. Depuis une heure, deux, plus, moins. Il gémit sûrement parce qu'il a mal. Pas au corps, au cœur. Ça saigne. Il a le tarin qui coule, mais de l'intérieur. Il s'est pris la claque, la claque émotionnelle, mais trop fort pour qu'il puisse le supporter. Elle l'enfonce petit à petit là où il ne voulait pas aller : au fond du trou, tout au fond. Et il continue de gémir. Jusqu'à ce qu'un sanglot éclate, et résonne dans toute la pièce, fermée. Sa respiration s'accélère, des larmes coulent sur ses joues et Desislav commence un mouvement de balancier, comme pour se calmer. En vain. Les voix dans sa tête continuent leurs asseaux, comme pour l'affaiblir encore plus, le pousser au bout du rouleau. Et ses pleurs se font bruyants. Si bruyant qu'ils percutent les murs, se répètent dans un écho sombre, pesant. Et ça continue, encore et encore, durant plusieurs minutes. Le mouvement de balancier, les complaintes, les pleurs, donnant à l'appartement déjà miteux l'ambiance d'une prison, d'un hôpital psychiatrique. Puis, d'un seul coup, tout se stop. Plus de balancier rythmé comme sur du papier à musique, ni de complaintes comme pourraient avoir les morts, ni de pleurs bruyants comme ceux d'un enfant sortant d'un cauchemar en pleine nuit. Juste quelques larmes silencieuses qui continuent de dévaler ses joues. Il lève la tête vers le lavabo, aperçoit une paire de ciseaux posées sur le rebord et les fixe avec de grands yeux. Il tend son bras vers elle, tremblant, hésitant, la touche du bout des doigts et la fait tomber par terre. Le bruit le fait sursauter. Il récupère les ciseaux sur le sol, la main toujours aussi tremblante, et finit par les approcher de ses cheveux. Une première mèche tombe et, dans sa chute, semble se diviser. Les cheveux s'éparpillent sur le sol, tandis qu'une deuxième mèche est coupée. Puis une troisième. Puis une quatrième. Les tremblements de Desislav l'empêchent de les couper droit et, regardant tomber ses cheveux devant son visage, ses joues toujours humides de larmes, il n'entend pas la porte.
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    Mirta Vlašic
Mirta Vlašic


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MessageSujet: Re: FAILURE, mirta.   FAILURE, mirta. EmptyLun 3 Sep - 12:43

Un sourire doux accroché aux lèvres, Mirta enfile une robe. Ni trop courte, ni trop longue. Elle l’aime bien, cette robe. Une légère touche de mascara, histoire d’être un peu plus jolie, et elle est prête. Elle se regarde dans le miroir et, pour une fois, apprécie l’image qu’il lui renvoie. Elle n’a plus l’air fatigué, ni lasse de tout. Elle a les yeux qui brillent, les joues un peu rouges. Elle a presque bonne mine, presque l’air heureuse, aussi. Elle vérifie une dernière fois son reflet, prend ses clés et sort.

Elle frappe à la porte, affiche un petit sourire à l’idée de le voir. Si on lui avait d’un qu’un jour, Desislav et elle finiraient ensemble, elle n’y aurait probablement pas cru. Et pourtant. Ses sourcils se froncent légèrement quand elle réalise que personne ne vient. Il n’est peut-être tout simplement pas là. – Desislav ? elle appelle. Pas de réponse. Il doit être parti, c’est sans doute ça, qu’elle essaye de se rassurer tant bien que mal. Juste pour vérifier, elle clenche la porte. Qui s’ouvre. Desislav ne partirait jamais de chez lui en laissant la porte ouverte, elle en est certaine. Alors, hésitante, elle rentre. Juste pour être sûre. Mirta est une éternelle angoissée, et le milieu dans lequel ils trempent n’a certainement pas arrangé les choses. Elle va voir à la cuisine, vérifie sa chambre. Elle est sur le point de partir quand elle jette un petit coup d’œil dans la salle de bain, au cas où. Son cœur se retourne. Elle plaque une main sur sa bouche en voyant l’état de la pièce. Il y a du noir partout. Elle met un temps à comprendre qu’il doit s’agir de teinture, puisque les cheveux de Desislav sont tous aussi noirs. Ses yeux balayent la pièce, jusqu’à buter sur des mèches de cheveux, éparpillées sur le sol. C’est là qu’elle remarque la paire de ciseaux entre ses mains. Elle s’approche doucement, sans faire trop de bruit pour ne pas l’effrayer, mais en prenant soin de ne pas être trop discrète, pour ne pas le surprendre. Elle regarde le désastre en silence, impuissante. Un sanglot monte dans sa gorge, mais elle l’étouffe. Elle remarque que sa main tremble un peu, retient un soupir. Elle voudrait hurler, mais il faut qu’elle soit forte. Elle doit être forte pour Des. Elle se penche en avant, lui prend les ciseaux des mains. – Desislav ? C’est moi. C’est Mirta. Elle pose sa main sur sa joue, lui fait tourner son visage vers elle. Ses yeux rougis semblent vides. Son cœur se serre, loupe un battement. Le seul mot qui lui vient à l’esprit pour le décrire à cet instant est malade. Tout ce qu’elle s’efforce de ne pas voir lui revient en pleine face. Son teint maladif, sa maigreur maladive, ses tremblements maladifs. Elle se mord la lèvre, fort. Et puis doucement, elle embrasse le coin de ses lèvres. – Ça va aller, Des. Elle lui adresse un petit sourire, pour appuyer ses propos. Elle n’a jamais été une bonne menteuse, Mirta, ni une bonne comédienne. On devine quand elle cache quelque chose ou que ça ne va pas. Mais elle comprend qu’il faut que ça cesse. Ça ne peut plus continuer. Cette fois-ci, il y a quelque chose en jeu. Quelque chose qu’elle ne peut pas perdre. Parce qu’elle ne le supporterait pas. Bien sûr qu’elle ferait n’importe quoi, pour lui. Parce qu’elle l’aime, évidemment. Même si elle ne lui a jamais dit, même si ça lui fait un peu peur, parce qu’elle sait bien qu’elle peut le perdre à n’importe quel moment. Et justement, elle n’est pas prête à ça. Pas prête à le perdre. Elle ferme un instant les yeux, avec le vague, l’absurde espoir, que quand elle les rouvre, tout ça ait disparu, et que ce soit un Des souriant qui l’accueille. Mais ce n’est pas le cas. Ses paupières se soulèvent et rien n’a changé. Elle se met à genoux devant lui, regarde l’état de ses cheveux, fronçant légèrement les sourcils, sans vraiment le vouloir. – Je vais arranger ça, d’accord ? Elle inspire, prend les ciseaux. Ce n’est pas comme si elle avait déjà vraiment coupé les cheveux à quelqu’un. Elle l’a déjà fait à son père, quand ça devenait vraiment urgent, mais lui s’en moquait pas mal. Elle ne voudrait pas être responsable d’une catastrophe capillaire. Quoi que ça peut difficilement être pire, vu la manière dont Des a coupé. Elle soupire, prend son courage à deux mains. Elle se concentre, se focalise sur ses cheveux pour essayer de ne pas être perturbée par le reste, et coupe. Elle coupe quelques mèches, essaye de rattraper un peu. Elle se recule un peu, le regarde, lui sourit. – Voilà, c’est parfait comme ça !
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    Desislav Hristova
Desislav Hristova

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MessageSujet: Re: FAILURE, mirta.   FAILURE, mirta. EmptyVen 12 Oct - 21:54

La main de Mirta se pose sur lui, ses doigts se referment sur sa peau, sur une partie du corps qu'il ne saurait pas trop identifié, tellement ailleurs. Desislav sursaute légèrement, sans un bruit cependant, et lâche brutalement la paire de ciseaux qu'il a entre les mains, manquant de se blesser. Si elle ne les avait pas rattrapés, ils se seraient écrasés sur le sol dans un petit cliquetis que la pièce, noire, aurait fait résonner. Si elle n'était pas arriver, là, maintenant, tout aurait finit par s'écraser totalement. Les pires scénarios auraient put être envisagés. Pas assez conscient pour trancher ses veines, suffisamment pour donner un coup sec dans le mur avec sa tête. Ses yeux sont vides. Vides de tout. Vides de la petite lueur qui y brille habituellement, et depuis un certain temps, et qui fait que certaines personnes sont encore capables de l'apprécier. De son rire qui énerve les gens autour de lui, tellement il était étrange et crispant. De ses pommettes qui se dessinent alors qu'il sourit parce qu'il la voit arriver au loin. De ce cœur battant si fort lorsqu'il croise son regard qu'il finit par battre dans ses tempes. De cet éclat de vie qui semble provoquer les enfers alentours en disant que oui, il vit encore, et que oui, son cœur bat pour autre chose que cette putain de mafia. De tout ce qui lui donne l'allure, la sensation, la prestance et la prétention de prétendre être un humain, un humain vivant, pas prêt de passer l'arme à gauche. Mais tout ça est vide, maintenant. Pas seulement ses yeux, lui aussi. Comme si toute cette vie avait quitté son corps pour ne laisser qu'une enveloppe dont il ne veut même plus, dont il veut effacer les défauts, qu'il aurait aimé parfaite. Une saleté de coquille vide, un peu abîmée, sans grand charme pour celui qui la regarde rapidement, qui peut même en dégoûter certains, parfois. Ses mains continuent de trembler, son cœur aussi. Il lève les yeux vers Mirta, mais c'est comme s'il voyait à travers elle, comme si elle n'était pas là, pas vraiment. Qu'un pauvre spectre qui vient lui rappeler que oui, il a quand même un semblant de vie, là-bas. Que là-bas, il y a peut-être des gens qui continuent de l'attendre, qui veulent le voir revenir comme il était avant. Avant ce soir, avant ces derniers temps. Avant qu'il ne devienne qu'un mauvais remake de zombie. Là-bas, avec elle. Avec Mirta. Il sent alors une petite pression au coin de ses lèvres, sans pour autant réagir, sa tête bringuebalant légèrement sur le côté. Petite pression, mais déjà trop forte. Son regard, toujours aussi vide, semble fixer un point imaginaire, présent par delà les murs, le béton, le marbre, et tout le reste. Par delà tous les obstacles possibles là-bas, à l'extérieur, là où les gens vivent pour de vrai. C'est comme si lui avait cessé d'être réellement vivant. Comme si, dans le fond, il était bloqué entre deux stades. La vie, et la mort. Sans pouvoir s'en sortir. Trop vivant pour pouvoir cesser de respirer, pour que son cœur puisse arrêter définitivement de battre et de lui faire mal. Pas assez pour qu'il puisse enfin poser un regard réconfortant, doux sur elle. Amoureux. Pour qu'il puisse lui dire qu'il va bien, qu'elle n'a pas de soucis à se faire, qu'il finira bien par courir à nouveau à droite à gauche, par tourner autour d'elle lorsqu'ils marchent dans la rue, par envoyer chier toutes les critiques sur leur couple soit disant étrange, hors normes. Tout simplement parce qu'à leur âge, ils ne vont plus au lycée comme les autres. Mais ses normes, qui les a démontré ? Pourquoi ce serait plus normal d'aller s'enfermer dans un bâtiment comme du bétail plutôt que de courir les rues d'un point A à un point B ? Desislav ne perçoit même pas son odeur, celle de Mirta. On le dirait presque somnolant. Il ne réalise même pas qu'elle s'agenouille devant lui, qu'elle récupère la paire de ciseaux et qu'elle commence à égaliser ses cheveux. Qu'elle lutte contre elle-même pour ne pas craquer, pour ne pas laisser tomber, pour ne pas qu'il voit qu'elle aussi, va mal, et que c'est de sa faute à lui. Elle aurait put, pourtant. Se mettre à pleurer. Lui hurler dessus, même, l'insulter, le secouer, essayer de le faire bouger. Mais qu'est-ce que ça aurait changé, au fond ? Qu'est-ce qu'elle aurait obtenu, Mirta, à faire ça ? Rien. Ou pas grand chose. Un grognement. Un éclat en sanglot de la part de Desislav. Pas grand chose d'autre. Il ne réalise même pas que des mèches tombent devant ses yeux, que des cheveux viennent se poser sur ses cils. Non. Et sa voix lui parvient à peine aux oreilles quand elle déclare avoir finit. Mais il bouge. Il bouge pour venir resserrer ses bras autour de sa taille. Il serre, aussi fort qu'il le peu, et recommence son mouvement de balancier, étrangement régulier pour une personne dans son état. Son mouvement reprend sa course, comme avant qu'elle n'arrive. En avant. En arrière. En avant. En arrière. Ses lèvres tremblement légèrement. Le mouvement s'accélère, sans qu'il ne le décide vraiment. Un gémissement s'échappe de sa bouche. Puis un autre. Ses yeux s'humidifient, le mouvement accélère d'autant plus. Ses doigts se resserre autour de son pull, fort. S'ils avaient été à même la peau, ils l'auraient attaqué au sang. Il gémit plus fort, se met à pleurer, comme un enfant qui se réveillerait en pleine nuit à cause d'un cauchemar. Il pleure de plus en plus. Ses gémissements se transforme en cri. En cri du coeur, en cri de détresse, en appel à l'aide. Les larmes se déversent sur ses joues, il pleure d'autant plus. Comme s'il était aliéné, étranger à lui-même. Comme s'il se regarde en dehors de son corps, au dessus de la tête. Et il cri. Cri. Cri.
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    Mirta Vlašic
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MessageSujet: Re: FAILURE, mirta.   FAILURE, mirta. EmptyVen 26 Oct - 14:42

Elle s'assoit derrière lui, passe un bras autour de sa taille, comme pour le stopper, arrêter ce mouvement inquiétant qu'il répète sans cesse. Elle le serre contre lui, fort. Comme pour lui montrer qu'elle est là, malgré tout. Même s'il ne la voit pas, même s'il ne l'entend pas. Même s'il ne sent pas sa présence. Elle est là. Et elle ne partira pas. Mais elle ne sait pas quoi faire, elle ne sait pas comment elle est supposée réagir, ce qu'elle doit faire. Elle ne sait pas comment l'aider, et ça la tue. Il se met à pleurer, et son cœur se serre un peu plus. Elle embrasse sa nuque. Il se met à crier, et son cœur sursaute. Il cri, et son cri se répercute aux quatre coins de la pièce presque vide. Et résonne dans son cœur. J'ai mal, Des. Pourquoi tu me fais du mal ? Pourquoi tu te fais du mal ? Elle passe une main dans ses cheveux, les caresse doucement. Elle voudrait qu'il réalise qu'elle est là. Qu'elle ne partira pas. Qu'elle sera toujours là. Mais il ne semble même pas s'en apercevoir, l'enfonçant un peu plus sans le savoir. Mirta ne lui en veut pas. Ce n'est pas sa faute. Il n'y peut rien, lui, s'il est malade. Parce qu'il est évident qu'il est malade. Il ne serait pas comme ça, sinon. A hurler à s'en rendre malade. A pleurer, encore et encore. Ce n'est pas normal. Mais elle le savait, au fond, qu'il n'était pas normal. Parce qu'un homme normal serait passé à côté d'elle sans la voir, elle, vraiment. Il n'aurait vu qu'une fille, jolie, qu'une pute. Lui est allé au-delà. Il a su voir ce que les autres ne voyaient pas. Il a su lui redonner envie de vivre. De continuer, de s'accrocher. De ne pas limiter sa vie au bordel. D'aller au-delà de ce que les hommes voient d'elle. De vouloir. Oui, il lui a donné envie de vouloir. De vouloir un copain, un avenir heureux, un amour, un futur avec lui. De le vouloir lui, tout simplement. De vouloir être humaine, aussi, avant d'être un objet. - Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime. Peut-être bien qu'il n'entend rien, peut-être bien qu'il ne comprend pas, ces mots qui lui sont destinés. Mais elle les dit quand même. Parce qu'elle a besoin de les laisser sortir. Parce qu'elle a besoin de lui répéter. Parce qu'elle a besoin qu'il comprenne. Qu'elle l'aime. Qu'elle l'aime vraiment. Comme elle n'a jamais aimé personne. Qu'elle l'aime. Oh que oui, elle l'aime, et elle serait prête à tout pour lui. Même s'il ne le réalise pas. Même s'il ne semble toujours pas calmer. Alors, elle commence à chanter. Doucement, à mi-voix. Une berceuse dont les syllabes se détachent dans une langue étrangère, une langue qu'on ne parle pas ici. Une langue qui remonte à ses origines. Elle a une jolie voix, Mirta. Et elle chante plutôt bien. Pas de quoi en faire une carrière, bien sûr, loin de là, n'empêche qu'elle aime bien. Et comme elle ne sait pas quoi faire pour aider Desislav, comme elle reste impuissante face à ce spectacle, elle se dit que de toute façon, ça ne peut pas empirer les choses. Même s'il n'avait pas l'air de réagir au son de sa voix, elle voudrait l'apaiser. Elle vacille, tremble un peu, s'éloigne dans les aigus, parfois, mais elle tient bon. Elle tient bon pour lui. Parce qu'elle le doit. Parce qu'elle ne peut pas le laisser tomber maintenant. Parce qu'il a toujours été là pour elle, quand elle en avait besoin. Parce qu'il a toujours fait le meilleur. Parce qu'il est la seule chose dont elle se soucie réellement dans la vie. Parce qu'elle l'aime. Mon dieu oui, qu'elle l'aime. Elle l'aime au point d'en avoir mal. Elle l'aime même si son cœur se met à saigner, à ce moment précis, et qu'elle a l'impression qu'il est en train de mourir. Parce que justement, il ne l'est pas, mort. Elle doit le sauver. Elle doit tout faire pour ça. Elle ne peut pas le laisser mourir. Elle l'aime. Ils doivent avoir la fin heureuse à laquelle ils ont droit, après tout ce par quoi ils sont passés. Ils la méritent, leur fin heureuse. Alors elle se le promet, elle se le jure. Qu'elle ne le laissera pas sombrer, qu'elle ne le laissera pas mourir. Qu'ils l'auront, leur fin heureuse. Peu importe le reste. Il faut qu'ils puissent compter dessus. Pour la première fois de sa vie, elle a quelque chose pour laquelle se battre. Elle se battra pour ça. Pour eux. Pour lui, surtout. Parce qu'il vaut plus à ses yeux que tout le reste. Que sa douleur, que son bonheur, que sa vie. Que tout. Elle l'aime. Mais sa voix finit par se briser. La peur l'emporte sur la détermination, la douleur sur la résolution. Elle se mord la lèvre, son menton tremble. Et elle aussi, finit par laisser échapper ses larmes. Parce qu'elle ne peut rester indifférente devant ça. Parce que voir Desislav dans cet état, ça lui brise le cœur. Desislav, son pilier. La seule chose à laquelle elle peut encore se raccrocher. Desislav. Celui qui, elle en était persuadée, ne l'abandonnerait pas. Jamais. Mais est-ce que ça a encore un sens maintenant ? Maintenant qu'il semble sur le point de perdre pied ? Elle enfouit son visage dans son cou, continue de pleurer doucement.
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